Un train extraordinaire


      Vous avez, sans doute, déjà entendu parler de l'aérotrain construit par l'ingénieur Jean BERTIN dans les années 60. Un train sur coussin d'air qui pourrait relier Paris à Lyon en une heure à la vitesse de presque 400 km/h. Une ligne avait d'ailleurs été presque construite entre Paris et Orléans.
      Vous avez, sans doute, déjà entendu parler du train à lévitation magnétique construit par les japonais. Une ligne de 43 km permet au train Maglev d'atteindre la vitesse de presque 500 km/h.



      Et bien, vers 1852, soit presque cent ans plus tôt, Louis-Dominique GIRARD, ingénieur hydraulicien, avait inventé le chemin de fer glissant. D'après A. BARRE, qui a perfectionné le système à la mort de son inventeur, ce train aurait pu atteindre une vitesse de 200 km/h. Une ligne d'essai à La Jonchière, entre Bougival et Rueil Malmaison est construite vers 1865.


      Un article paru le 16 octobre 1889, dans le journal hebdomadaire de l'exposition universelle, explique les principes de fonctionnement ainsi que les diverses applications possibles.
      Un résumé vous est présenté ci-dessous.


      La curiosité du public et l'intérêt des hommes sont vivement excités par un chemin de fer qui fonctionne chaque jour, à l'exposition , dans la rue de Constantine, de l'esplanade des invalides, sur une longueur d'environ 150 mètres.

      Ce chemin de fer n'a pas de roues ; il glisse sur de larges rails, ou mieux sur une mince couche d'eau interposée entre les patins et les rails.

      Voici, en quelques lignes, les principes et les applications du chemin de fer glissant.

      Plus de roues, naturellement, les wagons reposent directement sur les rails très larges par six patins, trois de chaque coté de la voiture. Ces patins sont rectangulaires, un peu creux sur la face en contact avec les rails. En leur milieu débouche de chaque voiture un petit tuyau qui permet à de l'eau, sous une pression fournie par de l'air comprimé, de pénétrer sous le patin. Si cette eau, emmagasinée dans le wagon de tête du train, est lancée sous les patins, elle les soulève de quelques millimètres, de telle sorte que le wagon est légèrement soulevé et flotte en quelque sorte sur un petit coussin liquide. Le frottement est presque réduit. Aussi, du bout du doigt, peut-on faire progresser la voiture.


      Pas de locomotive non plus. Sur le chemin de fer glissant, tout est hydraulique. La propulsion est obtenue aussi par l'eau. De place en place, au milieu de la voie, sont installés des ajutages en relation avec une conduite d'eau. Ces ajutages peuvent s'ouvrir et lancer un jet d'eau puissant et horizontal qui vient frapper une série de palettes, une sorte de crémaillère à palettes installées longitudinalement sous chaque voiture. Le mécanicien du train, par un mécanisme simple, ouvre à distance des robinets ; la première voiture reçoit l'impulsion du jet qui, en agissant sur les aubes, la pousse en avant. Les palettes de la deuxième voiture reçoivent à leur tour le jet qui la chasse aussi en avant, etc… ; en sorte que tout le train obéit à cette poussée hydraulique. Les ajutages se referment d'eux-mêmes après le passage des voitures.

      Il existe en réalité deux ajutages, un pour la marche en avant, un second pour la marche en sens inverse ; on se sert de l'un ou de l'autre suivant que l'on veut parcourir la voie en montant ou en descendant. Une conduite maîtresse, installée sur la voie, dessert tous les ajutages.

      L'application du système glissant paraît indiquée :

-   Dans tous les pays, pour franchir, sans arrêt, de grands parcours avec des vitesses de cent cinquante à deux cents kilomètres à l'heure.
-   Dans les pays de montagne possédant des chutes d'eau naturelles qui peuvent produire à elles seules toute la propulsion
-   Dans le transport de masses d'un poids considérable et indivisible
-   Dans les chemins de fer métropolitains souterrains
-   Dans les chemins de fer métropolitains aériens

-   Dans la traversée de la Manche par un tunnel. Les wagons seuls seraient montés et fixés sur un " truc " très bas, monté sur patins glissants. Quatorze minutes après le départ, ils seraient rendus sur la côte anglaise, où une locomotive les reprendrait. On pourrait avoir ainsi, avec une voie unique glissante, un train partant toutes les demi-heures de chacune des côtes. Mais ce qui serait mieux encore pour les deux pays serait de prolonger cette voie glissante de chaque coté pour réunir Londres et Paris, en permettant de franchir en deux heures la distance qui sépare ces deux villes.

      En résumé le vingtième siècle n'a donc fait qu'appliquer les idées du dix neuvième siècle.