Hommage à mon frère Remi, un héros ordinaire




Remi NOURISSON, né le 6 Août 1922, est décédé le 16 Avril 2009. Après avoir obtenu son certificat d’études primaires, il entre, en 1934, à l’Institution Saint Jean-baptiste de la Salle, rue de Contrai. Il quittera cet établissement en 1938 et sera employé par la maison de champagne Delbeck. Dès lors, on pouvait s’attendre à ce qu’il mène, comme la plupart d’entre nous, une vie banale, paisible, sans histoire particulière. Or, les circonstances allaient en décider autrement. Le 3 Septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne. Après plusieurs mois de calme relatif, l’Allemagne passe à l’offensive et envahit le territoire français. Le 17 Mai 1940, les Rémois sont invités à évacuer la ville de toute urgence. Que faire? Notre père est décédé récemment, notre frère aîné est mobilisé. Comme nous avions la chance de posséder une voiture, c’est Remi, sachant conduire bien que n’ayant pas son permis ( il n‘a pas encore 18 ans ), qui prendra le volant. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés, sans encombre, à CHÂTEAUBOURG près de RENNES où nous sommes restés pendant près d’un mois. Notre sœur, qui a suivi la Banque de France où elle est employée, nous demande alors de la rejoindre à VANNES. De là, nous devions partir pour BREST et embarquer sur un bateau en partance pour BORDEAUX. C’est en arrivant à BREST, ville en pleine effervescence, que le destin de Remi va basculer.


Mon frère était une personne très réservée, discrète, qui n’a jamais fait grand cas des événements remarquables qui ont marqué sa jeunesse. C’est pour cela que je tiens à lui rendre hommage en publiant des extraits d‘un document qu‘il a rédigé tardivement à l’intention de ses petits enfants.

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Extraits du journal de Remi NOURISSON

Le départ de France.

… Nous sommes le 18 Juin 1940, nous arrivons à BREST et trouvons la ville en pleine effervescence. Partout des cris : les Allemands arrivent…, ils sont à RENNES. Nous sommes sur le port de BREST, impossible de faire demi-tour, impossible d’aller à BORDEAUX. Que faire? Désirant me soustraire aux Allemands qui vont arriver d’une heure à l’autre, pas d’autre solution que de m’embarquer sur le paquebot « MEKNES » qui se trouve à quai . Maman m’y encourage d’ailleurs fortement. Mais le MEKNES est un transporteur de troupes et son commandant refuse de prendre des civils . Il faudra l’intervention d’un légionnaire qui, mousqueton braqué sur le commandant, l’obligera à changer d‘attitude. C’est ainsi que j’ai pu monter à bord. Mais c’est la séparation. Ma famille reste à quai, je ne la reverrai que quatre ans plus tard, en 1944.






… Le MEKNÈS quitte lentement le port au milieu d’un feu d’artifice: l’arsenal est en feu, tout saute…Destination inconnue. Nous franchissons le goulet de Brest sans encombre et le lendemain, à l’aube , nous nous retrouvons dans le port de PLYMOUTH. De là , nous sommes refoulés sur PORTSMOUTH, puis SOUTHAMPTON où nous débarquons.







L’Angleterre.

Après vérification des identités, nous gagnons, en train, TRENTHAM PARK près de NEWCASTEL où nous campons… De TRENTHAM PARK nous redescendons sur LONDRES où notre séjour sera de courte durée.

De LONDRES, nous partons pour COVE ALDERHOT au CAMP DE DELVILLE. Dans ce camp nous sommes 230 jeunes venus de Bretagne et d’ailleurs. Notre premier commandant de compagnie est le Capitaine DUPONT. C’est lui qui nous donne lecture du premier appel du Général de GAULLE et nous donne le choix de rester en Angleterre ou de regagner la Métropole.

… Après avoir mûrement réfléchi, je signe mon engagement au titre des forces françaises libres le 1er Juillet 1940 et ce pour la durée de la guerre . Comme je n’avais pas encore 18 ans, les caporaux ALLEGRE et TARAVEL sont mes témoins. Nous serons 164 à choisir cette option.

…Je suis affecté au bataillon de chasseurs alpins. Les classes commencent, nous sommes soumis à un entraînement intensif. Je goûte pour la première fois « aux joies » de l’armée: marches, tir, maniement d’armes, défilés…Enfin, je participe au peloton de sous-officiers, et en ressors première classe.

… Du CAMP DE DELVILLE, nous irons au CAMP DE CAMBERLEY où, sachant conduire, je serai muté à la compagnie du train. En Octobre 1940, nous nous installerons à OLD DEAN, Camp spécialement construit pour les Français..

…Un soir que je revenais de conduire un officier français en stage chez les Britanniques, je fus appelé au P.C. du Colonel. Il me donna l’ordre de faire mes bagages et de me tenir prêt pour le lendemain matin. Cet ordre venait du Q.G. de Londres. Destination inconnue… J’étais affecté, sans le savoir et contre mon gré, au Bataillon de parachutistes destiné aux missions spéciales en France occupée. Nouvelle vie, nouvel entraînement. En plus j’étais chargé de conduire et de rechercher à Londres les officiers qui revenaient de missions. Cette période fut très éprouvante car, en plus des exercices physiques très pénibles, je rentrais très tard de Londres et le réveil était difficile.

…Recevant des nouvelles des copains d’OLD DEAN m’annonçant leur départ imminent pour l’Afrique, je demandai une audience à l’officier commandant le détachement de parachutistes afin d’obtenir ma mutation dans mon ancienne compagnie… Après bien des difficultés , je fus réintégré dans mon ancien régiment.

Le départ pour l’Afrique.

…Le 30 Août 1941, nous embarquons sur le NORTHUMBERLAND à LIVERPOOL.. Destination l’Afrique.

… Ce voyage allait durer un mois. A cette époque, les voies maritimes n’étaient pas sûres et c’est avec une escorte de contre-torpilleurs, cuirassés, chasseurs de sous-marins, au milieu d’une centaine de bateaux marchands que nous allions traverser l’Atlantique en contournant l’Irlande et en passant au large des côtes américaines…Notre vie, pendant cette traversée, a été bien pénible. Nous étions logés à fond de cale, nous dormions dans des hamacs. La nourriture, essentiellement à base de conserves, était détestable… Exercices physiques le matin, le reste de la journée lecture, belote, chants. Ce périple durera jusqu’au 2 Octobre 1941.

… Première escale à FREE-TOWN, territoire Anglais. Pas de port, nous restons au large. Nous descendons par une échelle de corde et une barque nous conduit à terre. Premier contact avec l’Afrique. L’escale sera très courte. LAGOS puis TACORADIE seront les escales suivantes. Nous quittons alors le convoi et reprenons la mer, sans escorte, jusqu’à POINTE NOIRE. Nous entrons dans le port le 3 Octobre 1941.

… Après un si long voyage, nous mettons enfin le pied sur la terre ferme, une terre française libre. Il fait chaud, une chaleur humide et accablante : il va falloir s’acclimater.

… Première séparation depuis notre départ d’Angleterre, une trentaine d’entre nous seulement sont désignés pour aller renforcer la colonne LECLERC au TCHAD. J’en fais partie.

L’arrivée aux portes du désert.

…Nous prenons le train de la ligne Congo Océan. Le lendemain le convoi s’arrête en gare de BRAZZAVILLE, localité où nous resterons une dizaine de jours. Nous gagnons ensuite BANGUI en empruntant un bateau à aubes - Le Fondere - qui assure le service sur le fleuve Congo. Durant notre voyage qui dura huit jours, nous naviguons d’une rive française à une rive belge et traversons la forêt équatoriale. Le spectacle est magnifique.

…L’étape de BANGUI ne durera que trois jours. Nous quitterons cette ville en camion en direction du nord. La route est praticable, malgré qu’elle soit en terre battue. Nous longeons l’OUBANGUI CHARI. La végétation est luxuriante, la faune diversifiée : nous croisons des phacochères, des antilopes, une panthère passera d’un bond au dessus de notre camion.











… Nous pénétrons au TCHAD via FORT LAMY (Djamena). Nous sommes maintenant aux portes du désert. Là, nous prenons un repos bien mérité et préparons les étapes suivantes : provision d’eau, découpage de tôles qui serviront au désensablement des camions…








La traversée du désert.

…La piste sera longue et dure, finie la route en terre battue. Nous faisons maintenant connaissance avec le sable …que des dunes, la végétation a disparu. Le premier soir, nous stationnerons à MASSAKORI. Le deuxième jour, nous aborderons le poste de KORO-TORO composé d’une case et d’un puits. Le vent de sable souffle en rafales; il pénètre partout; impossible de repartir. Pause forcée d’une journée à KORO-TORO, puis nous reprenons la piste et traversons BARH-EL-GAZAL,une ancienne rivière asséchée. Nous atteindrons MOUSSORO vers midi. Naturellement, nous n’avons pas échappé aux ensablements et les tôles, découpées à FORT LAMY, nous ont été d’un précieux secours.


…Après treize jours harassants, nous arrivons sur le plateau du TAYMANGA, en vue de FAYA, capitale du BORKOU. Dès notre arrivée, nous allons être affectés à la Compagnie de découverte et de combat (2° D.C.) du Capitane GEOFFROY. Nous touchons des camions américains « Chevrolet » que nous transformerons en vue des opérations ultérieures : découpage des cabines, montage des armes anti-chars, anti-aériennes et mitrailleuses. Le tout sera fixé solidement. Nos affaires personnelles seront réduites au strict minimum. Je suis le chauffeur de l’un de ces camions. Durant notre long séjour à FAYA, nous serons astreints à des exercices soit à pied, soit avec nos véhicules et à des manœuvre dans les environs.



… En Février 1942, nous sommes rassemblés dans le TIBESTI, aux alentours de ZOUAR. Le 2° D.C., dont je fais partie, atteindra la région de TMESSA, au carrefour des pistes HON-SEBHA-BRAK. Nous livrons combat à une compagnie motorisée puis descendons au sud sur OUAOU EL KEBIR Nous serons mitraillés en rase-mottes par l’aviation italienne. Nous nous en tirons sans une égratignure. Ce fut mon baptême du feu. Puis nous faisons demi-tour et rentrons au TCHAD. Nous allons retrouver la vie monotone du Camp. Ce sera de nouveau une longue période d’attente, car les projets d’offensive du Général LECLERC dépendent des succès, au Nord, des armées anglaises du Général MONTGOMERY.

…Enfin le jour « J » arrive. On va libérer le FEZZAN. Monter une offensive d’envergure au cœur de l’Afrique n’est pas une chose aisée. En effet, les approvisionnements arrivent au TIBESTI par les ports de LAGOS (Nigeria), de DOUALA (Cameroun) et POINTE-NOIRE (Congo) soit 4000 Km. Ainsi, un convoi d’essence de 30.000 litres au départ n’en livre que 10.000 à l’arrivée!

…En octobre 1942, nous sommes de nouveau à ZOUAR, poste frontière de l’Afrique occidentale. Nous nous mettons à l’abri le longs des rochers, voitures camouflées pour parer à d’éventuels apparitions d’avions de bombardement italiens. Ce ne sont pas les avions qui nous attaquent mais les singes (Cynocéphales ?) qui nous accueillent à coups de pierres et qui obligent certains d’entre nous à changer d’emplacement. Nous reprenons notre progression sur BARDAÏ. Nos haltes se font à proximité de « gueltas » (points d’eau dans les rochers). Nous sommes au pied du BOTOUM et progressons dans la montagne avec nos camions par des sentiers fort abrupts et en lacets qui nous donnent le frisson. Le convoi est très souvent retardé. Il faut aménager notre passage et déplacer de gros cailloux, parfois même des rochers, pour permettre à nos véhicule de passer. Nous parvenons à 2000 m d’altitude et côtoyons des volcans éteints, notamment le TROU à NATRON ( cratère de 12 km de diamètre, 600 m de profondeur).Vraiment impressionnant et pittoresque. A l’horizon une vaste plaine avec en fond le TOUSSIDE (3265 m) Nous sommes en plein TIBESTI. Nous arrivons à BARDAÏ en Décembre 1942, les choses sérieuses vont pouvoir commencer.

… La 1ère D.C., dont je fais partie, va prendre à revers le poste d’OUM EL ARANEB après avoir traversé le désert en faisant une large courbe vers l’Est, en traversant des régions désertiques : du sable, aucune trace de vie, nous marchons au compas. Que dire des nuits extraordinaires passées à la belle étoile. Dans ces régions le firmament est envoûtant. La nuit, les constellations nous apparaissent énormes en comparaison de ce que l’on peut observer en France. Les couchers de soleil, les levers de lune sont splendides. La nuit, pendant les deux heures de garde, on a le temps de rêver alors que l’officier chargé de nous guider fait le point sur les étoiles.

… La nuit il fait froid, parfois 0°C. Nous dormions en faisant un trou dans le sable et en nous couvrant d’une peau de chèvre. Quand le soleil est au zénith il est possible de faire cuire un œuf dans le sable. La chaleur est tellement accablante que nous stoppions pour nous mettre à l’abri des rayons du soleil sous notre camion.

…Presque à la veille de Noël, nous serons attaqués par les Italiens sur terre par les mitrailleuses lourdes et en l’air par l’aviation qui nous bombardera et nous mitraillera. Par miracle personne ne sera touché. OUM EL ARANEB sera pris le 29 Décembre 1942. Nous filons sur BRAK qui vient d’être évacué par les Italiens. Nous serons à CHOUREF le 10 Janvier 1943. Là nous nous heurtons à un gros convoi ennemi qui se replie. Nous nous dissimulons derrière les dunes et effaçons les traces de nos camions pour éviter d’être repéré par la saharienne italienne ont les effectifs et le matériel sont bien supérieurs aux nôtres. En effet, nous sommes une patrouille de 12 camions seulement.

Nous nous heurtons une dernière fois aux Italiens à MIZDA le 22 Janvier 1943 puis nous gagnons GARIAN et enfin TRIPOLI où nous rejoignons, le 26 Janvier, la 8ème armée de MONTGOMERY . C’est ainsi que notre compagnie venait de franchir, depuis ZOUAR, 2000 Km dans le désert et cela sans une égratignure : nous avions « la baraka »!
Nous nous regroupons à NALOUT, à la frontière LYBIE-TUNISIE. Là, nous prenons un repos bien mérité et en profitons pour compléter et réparer notre matériel qui a beaucoup souffert du sable du désert.

Nous prenons alors le nom de « force L » et allons nous trouver à la gauche de la 8ème armée, face à l’armée de ROMMEL. En TUNISIE, nous nous heurtons à la « ligne MARETH ». Nous avançons à petits pas le long de la côte. Nous prenons GABES où nous sommes accueillis en libérateurs. Mais les Allemands résistent et tiennent fortement leurs positions. La guerre de mouvements fait place à la guerre de positions. Nous nous accrochons aux pitons rocheux et subissons les tirs de l’artillerie allemande, en particulier du « train bleu » gros obusier à 12 tubes qui est mis à feu électriquement. Les 12 obus arrivent en même temps sur le piton avec un bruit et un sifflement d’enfer terrifiants. On n’en mène pas large. Nous verrons des observateurs d’artillerie anglais tués près de nous. Là encore, notre compagnie en sortira indemne. Après plusieurs jours de combats, nous enlevons les hauteurs du DJEBEL GARCI, entre KAIROUAN et TUNIS. Les Allemands se rendent enfin. Nous remontons vers TUNIS par EL HAMMA, KAIROUAN et SOUSSE. La campagne de TUNISIE est terminée, elle a été très dure, nous avons droit à une pause.

… Après un repos bien mérité à ALGER, nous ferons demi-tour, car nous sommes à cette époque indésirables en ALGERIE.

(L’armée Leclerc étant une force ralliée dès le début au Général de Gaulle, elle dut supporter les rancoeurs et les déchirements qui agitaient le commandement militaire français entre d’un côté les gaullistes et de l’autre les fidèles au Ml Pétain c’est-à-dire les anciens officiers de l’armée de Syrie ayant combattu les Anglais et les Français libres. Ceci, joint à la volonté de Roosevelt de privilégier le Gl Giraud aux dépens du Gl de Gaulle, entraîna une période assez sombre pour les troupes - voir GOOGLE : La 2ème DB).

Retour en TUNISIE, franchissement de la ligne Mareth et installation à ZOUARA près de TRIPOLI en LYBIE où nous resterons un mois. Ensuite nous partirons pour le MAROC via l’ ALGERIE. Nous passerons la frontière marocaine à OUJDA pour gagner FEZ, MEKNES, CASABLANCA. Là, le 2ème Régiment de marche du TCHAD, mon régiment, allait se fondre avec d’autres unités venues de TUNISIE, d’ALGERIE et du MAROC pour former la 2ème division blindée commandée par le général LECLERC.

Nous campons sur la plage à TEMARA entre RABAT et CASABLANCA. Nous changeons alors complètement de matériel et d’armement et touchons un équipement américain. Je serai affecté comme chauffeur sur un half-track porteur de mortier de 80. Nous subissons un entraînement accéléré afin de se familiariser avec ce nouveau matériel. Fin Avril 1944, nous embarquons pour l’ANGLETERRE sur des L.S.T. américains, bateaux à fond plat destinés au débarquement. Voyage très pénible, car la mer est agitée de grosses vagues : 13 jours de mer, 80% de malades. Les chars et les half-tracks enchaînés font un bruit macabre, le L.S.T va de bâbord à tribord, on croirait qu’il va se fendre en deux. J’ai de la chance, je ne suis pas malade.

La campagne de France



Retour à la case départ, nous sommes de nouveau en ANGLETERRE. Nous débarquons à SWANSEA et gagnons HULL, sur la côte nord, où nous attendrons le débarquement. Il aura lieu le 6 juin 1944, mais nous n’y participerons pas.












Nous quittons HULL fin juillet pour SOUTHAMPTON où nous embarquons notre matériel sur les bateaux de débarquement. Nous sommes en mer le 1er Août. Nous voguons lentement, ballottés par les vagues, nous sommes escortés par de nombreux bâtiments de guerre. La mer est calme et pas d’ennemis en vue, nous nous tenons sur le pont du L.S.T. A l’approche de la terre, nous redescendons en cale pour monter dans nos véhicules.








Bientôt le ventre de la péniche va s’ouvrir et nous allons débarquer; Moment d’émoi, pincement au cœur, quelle joie de remettre les pieds sur le sol natal. . Nous débarquons à SAINTE- MERE-EGLISE, sur les traces de ceux qui, le 6 Juin dernier, ont sacrifié leur vie pour nous permettre de pénétrer sur le sol français. Il faut prendre d’énormes précautions, car tout est miné. Nos véhicules doivent impérativement emprunter les voies balisées. A SAINTE-MERE-EGLISE nous avons les premiers contacts avec les civils normands.







Le 8 Août 1944, la campagne de France est commencée pour la 2ème DB.

Certes, les Allemands reculent, mais ils se défendent pied à pied et tiennent fortement certaines positions. Le 9 Août, je participerai au combat d’ALENÇON, du 13 au 16 à celui de la forêt d’ECOUVES contre la 9ème Panzer allemande, du 17 au 21 aux combats d’ECOUVES et de CHAMBOIS.

L’ordre du haut commandement arrive : direction PARIS. Nous allons rouler durant 24 heures sans arrêt ni pause.

Premier heurt avec les Allemands dans la vallée de BIEVRE, à mi-chemin entre FRESNES et VERSAILLES. Le 24 Août nous nous frayons un passage et arrivons au PONT de SEVRES. Il y aura une attaque la nuit et plusieurs de nos véhicules seront incendiés. Quant à moi, à bout de force, je me suis endormi à côté de mon Half-track, à même le sol, et je n’ai rien entendu de la fusillade.






Le 24 Août nous sommes à l’ETOILE. PARIS est libéré. Après les accrochages du Nord de PARIS, la Division se regroupe vers BAR sur AUBE. Nous reprenons notre marche en avant et, après avoir traversé le département de la Meuse, nous abordons les VOSGES. Gros accrochages à CONTREXEVILLE et VITTEL. A DOMPAIRE, nous sommes encerclés par les blindés ennemis et sommes sous le feu de leurs canons. Journée épouvantable. Nous ne pouvons réagir qu’en tirant des obus fumigènes pour nous camoufler. Nous serons sauvés par l’aviation anglaise qui, avec ses lance rockets, va détruire les chars ennemis. Nous sortirons de cette mauvaise passe, mais nos pertes seront sérieuses. La voie est libre pour marcher sur EPINAL. Du 13 au 15 Septembre 1944, nous délogeons les Allemands de VILLE sur ILLON puis de la forêt de CHARMES. Nous continuons notre avancée vers CHARMES, RAMBERVILLERS puis BACCARAT.


Après tous ces combats, j’obtiendrai un repos d’un mois ce qui me permettra de retrouver, enfin, ma famille à REIMS. En fin de permission, je serai hospitalisé pour une intervention chirurgicale et resterai à REIMS un mois supplémentaire ( de ce fait mon frère ne participera pas à la libération de Strasbourg ). Je retrouverai mon régiment à UTTING en Allemagne. Affecté au bureau de la Compagnie, les combats seront terminés pour moi.

Le 8 mai 1945, l’Allemagne capitule. La guerre est finie. Je serai démobilisé le 5 juillet. Je rentre immédiatement à REIMS.

Fin du journal de Remi

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De retour à REIMS, mon frère retrouve son emploi chez DELBECK, et mène alors une existence normale comme si rien ne s’était passé. Il se marie en 1948, aura trois enfants, cinq petits enfants et deux arrières petits enfants. Remi ne s’exprimait guère sur son passé militaire. Il attendra 1989, soit plus de quarante ans après la fin de son épopée, pour rédiger un petit mémoire dont j’ai extrait l’essentiel dans les pages précédentes. Modeste, il a délibérément omis de préciser qu’il avait obtenu diverses décorations pour son attitude courageuse : Croix de guerre avec médaille de bronze, Médaille Coloniale avec agrafe Fezzan Tripolitaine, Croix de guerre avec médaille d’argent, Médaille militaire, Présidential Unit Citation.

Revenu à la vie civile, Remi s’est largement impliqué au sein de l’Association des Familles de Reims ce qui lui a valu la médaille de la ville de Reims. Tous ceux qu’il a côtoyés sont unanimes pour louer son sérieux, sa gentillesse, son écoute, son souci des autres et sa discrétion.


Michel NOURISSON